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Dans ce temps si mal défini où tout se contracte, se ramasse, où le peintre invente puis récapitule au fur et à mesure, où la conscience chevauche entre un oubli total et l’ivresse d’une possession prête à être exorcisée, dans ce temps de gésine, avant que le geste devienne la conclusion tangible d’un mirage intérieur, pour Djoka Ivackovic, je sens bien que c’est par là qu’il faudrait commencer de parler.
Pour une peinture sans repentir puisque « gestuelle », les épithètes ne manquent pas. Irrémédiable, définitive…
Mais ce qui est étonnant chez Ivackovic, c’est à travers la confusion de ses inscriptions cursives, chaque menée ne cesse d’avoir ce caractère unique, essentiel, propre à rétrécir l’espace pictural en elle. Que le jet se dissolve dans une dernière amorce de spirale, ou qu’il éclate parce que tombé de trop haut sur la surface de la toile, tout ramène à l’absolu dépouillement du signe dans sa force d’appropriation.
La discrétion de la couleur devient efficace, je veux dire que c’est par cette qualité que le graphisme préserve l’authenticité de son cheminement; terre brûlée, gris, noir n’introduisent aucun détournement décoratif, ils sont employés dans le but de suggérer – laissant au geste la totalité de sa direction.
Jean-Loup Majewski, Les Lettres françaises, avril 1967