Correspondances (Gérard Garouste – Marc-Alain Ouaknin)
Après l’événement de sa rétrospective The Other Side à New Delhi, Gérard Garouste présente à la galerie Templon le fruit de trois ans de travail et un concept d’exposition tout à fait nouveau.
Correspondances est une histoire de rencontre : celle de Gérard Garouste et de la littérature de Franz Kafka, mais aussi entre le peintre et un philosophe, Marc-Alain Ouaknin.
A travers une vingtaine de tableaux, Garouste propose une plongée jubilatoire, et toute personnelle, dans l’univers de Kafka. Si par le passé, il avait déjà embrassé l’œuvre d’écrivains comme Dante, Cervantès, Rabelais ou Goethe, la démarche est inédite. Certes on reconnait ça et là le portrait de l’auteur tchèque. Certaines créatures semblent sorties de ses nouvelles, comme le « chat-agneau » et toute une collection d’écureuils et de martres. Mais l’esprit de Kafka est ailleurs. Il affleure dans la déformation des silhouettes et les paysages ambigus, où réalisme et fantastique se côtoient avec naturel. Il transparaît dans la juxtaposition d’époques et de symboles, dont la profusion laisse présager mille histoires et filiations secrètes.
Gérard Garouste s’amuse à décortiquer les mots et leurs sens. Kafka, à la fois auteur et personnage, héritier d’une tradition juive et incarnation d’une certaine modernité littéraire, catalyse une réflexion sur la puissance des mythes, l’oubli et leur résurgence irrépressible. Il convoque ainsi le Tintoret et Emmanuel Levinas, Pinocchio et Roland Barthes, Esther de l’Ancien Testament et la Samaritaine, Prague et Venise. Au-delà du classicisme revendiqué d’une peinture virtuose, il interpelle le spectateur contemporain sur son rapport à l’art, à l’image et à l’avant-garde.
Conçue comme un manifeste, cette exposition est la réponse de l’artiste à plusieurs années d’études auprès de Marc-Alain Ouaknin. Docteur en philosophie et professeur d’université, il s’est lancé depuis quelques années dans une exploration originale de Franz Kafka, et notamment sur ses rapports au judaïsme et la Kabbale. En prélude à un ouvrage à venir, Ouaknin publie à l’occasion de l’exposition un premier texte sur ses recherches. Comme Garouste, il nous embarque sur des chemins inattendus, des cimetières de Prague à la figure du Golem.
En fin d’exposition, une vidéo, « Le carnaval des confettis L’Alt-Neu-Kunst de Marc-Alain Ouaknin » réalisée par Olivier Garouste, documente l’interaction entre les deux hommes et offre un éclairage passionnant sur leurs « correspondances ». De leurs rendez-vous hebdomadaires ont surgi des réflexions sur le « Alt-Neu » (le vieux-nouveau) ou comment la pensée, comme la pratique artistique, peuvent se nourrir, grâce au langage, d’un aller-retour entre l’ancien et le moderne. Chacun à leur manière, ils nous invitent à repenser la langue, les représentations qu’elle véhicule, son lien à l’histoire et à l’inconscient, la légende et le sacré.
Pour approfondir la réflexion sur l’ «Alt-Neu-Kunst», l’exposition s’articule également autour d’un catalogue comprenant une préface co-signée par Gérard Garouste et Marc-Alain Ouaknin. A l’occasion, un ouvrage d’entretiens de Gérard Garouste par Catherine Grenier, conservatrice en chef du patrimoine et historienne de l’art, a également été publié aux Éditions du Seuil.
Né en 1946 à Paris, Gérard Garouste vit et travaille entre Paris et la Normandie. Il est l’une des figures majeures de la peinture française. Peintre et sculpteur, il est obsédé par les origines de notre culture, l’héritage des maîtres anciens et les mythes. Son histoire propre est à la base de son travail de “démontage des images et des mots”, de sa préoccupation pour les questions de l’origine, du temps et de la transmission. Ses toiles, faites d’associations d’idées, sont tour à tour inquiétantes et joyeuses, peuplées d’animaux parfois fantastiques et de différents personnages. Ses sources mêlent la Bible, la culture populaire et les grands textes de Cervantès à Rabelais.