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Alan Shields, américain, 31 ans. En France, on a pu le voir en 1971 à la galerie Sonnabend, en 1973 à la Biennale de Paris. Il devrait, par son tracé culturel comme par la génération à laquelle il appartient, retenir ici tout particulièrement l’attention. Passé un moment de choc, ou de défiance devant la luxuriance de ses peintures (on associe d’ordinaire la peinture américaine à plus de régularité et de sévérité dans le choix des couleurs comme dans l’organisation formelle), on s’intéressera à sa situation post-formaliste (c’est-à-dire post- Noland, Kelly, etc.) et, de ce fait, au retour à une plus grande liberté de facture et à l’exploitation d’un certain primitivisme pictural.
Après une découverte tardive en Europe de la peinture formaliste américaine, et après en avoir tiré des leçons, la critique de son réductionnisme, de la sophistication extrême à laquelle elle est parvenue, commence à démanger, ici et là, quelques esprits. Dans sa pratique, Shields montre l’exemple d’un tel type de critique et ce, un peu comme les « feutres » de Robert Morris continuent et mettent en cause tout à la fois le Minimal Art, sans pour autant renier certains acquis forma- listes : ainsi ses « grilles » accentuent la complexité des rapports fond/forme, envers/endroit, peinture/ non-peinture. Dans ce processus, il évite pourtant l’écueil du matiérisme. Quel que soit le médium employé – toile, bois, ruban, colliers de perles dans certaines toiles anciennes… – Shields les organise de façon à les fondre dans l’ensemble afin de ne plus produire que des effets de dessins et de couleurs.
Mais précisément, la richesse de ces moyens vient de ce que Shields, rompant avec la seule histoire de la peinture occidentale, dont de déduction en déduction la peinture formaliste s’extrayait, va puiser, comme d’autres grands Américains avant lui, dans des cultures non- occidentales et aussi, étant donné la situation particulière des Etats-Unis aujourd’hui, dans des cultures marginales (« contre-culture » – « underground ») ou minoritaires (indiennes).
C’est un peu ce que recherchent ici certaines démarches issues de Support-Surface, qui traversent une phase très artisanale mais sans peut-être la possibilité de l’articuler ainsi à d’autres réalités culturelles, et aux infinies possibilités qu’elles pourraient offrir. En fait, la peinture de Shields n’est ni une appropriation ni un retour à des pratiques situées hors de la culture officielle, mais leur intrusion dans cette culture et ce qu’elles peuvent y bouleverser. Notamment pour Shields, dans une tradition abstraite, la résurgence d’un « sens » dans la peinture fait d’enchaînements associatifs, d’humour…
Daniel Abadie, art press, septembre 1975