Marie Raymond

Paris qui s’indigne si facilement de l’injustice des autres en montre davantage encore à l’égard des siens. C’est devenu une loi du monde des arts: indulgence et même complaisance à l’égard de tous les nouveaux venus: l’oubli pour tous ceux qui ne se signalent pas constamment à l’attention.
Ce fut la rançon dont Marie Raymond paya sa discrétion. Nous fûmes plusieurs – et même assez nombreux – au lendemain de la dernière guerre, à nous enthousiasmer pour l’oeuvre de cette méridionale que nous venions de découvrir au Salon des Réalités Nouvelles et au Salon de Mai. C’était une mélodie délicate et pourtant puissante qui naissait des rythmes de la couleur.
Quelle coloriste! Toute en vivacité avec ses rouges, ses rosés, ses mauves qui se développaient en contraste harmonieux avec des verts acides, brutaux et lumineux.
De ce déchaînement de violence naissait une poésie subtile, tout en nuances et qui ne s’éteignait pas lorsqu’on s’éloignait de l’oeuvre, qui ne s’est jamais effacée de notre mémoire. (…)

Soutenue par les critiques les plus dynamiques, acceptée par les peintres qui allaient de l’avant, les amateurs venaient à elle et déjà le plus bel avenir s’offrait. Pendant de nombreuses années, elle exposa à la Galerie de Beaune et à la Galerie Denise René, avec Hartung, Schneider, Deyrolle, etc. Elle reçu le prix Kandinsky. Elle était invitée à toutes les expositions importantes à l’étranger, et puis… elle disparut, Marie Raymond nous est réapparue il y a un an, au Salon des Réalités Nouvelles. Il était normal d’avoir la curiosité d’aller voir ce qu’il en était de sa peinture.

Nous avons découvert avec stupeur que celle-ci ne s’était jamais interrompue; qu’elle avait continué à vivre et à se développer dans le long tunnel de l’ignorance, et que des développements nouveaux tendent à la renouveler.
Dans la mélodie abstraite et musicale de ses compositions, des bulles se forment: ce sont des lunes, des visages. La finesse de ses harmonies chromatiques s’est encore accrue, comme pour laisser mieux nous surprendre ces visages qui viennent à la surface, pour nous dévisager sans pudeur comme s’ils venaient d’un autre monde.

Extrait du texte de l’invitation: George Boudaille

 

L’artiste