A Day Longer
A 85 ans, Jim Dine, figure incontournable de l’art contemporain américain, dévoile chez Templon le résultat de presque trois ans de travail. Réalisée en partie pendant le confinement dans son atelier parisien, l’exposition « A Day Longer » propose une plongée saisissante dans un travail plus introspectif et audacieux que jamais.
Au classicisme de l’espace de la rue Beaubourg, entièrement repensé cet été par l’architecte Jean-Michel Wilmotte, Jim Dine répond avec une exposition foisonnante où six peintures monumentales sur bois se dressent en panneaux vibrants de couleur et d’énergie. A leur surface, derrière la couche épaisse de peinture mêlée de sable ou de fusain, se distingue une collection d’outils en tout genre, désossés, réassemblés. Ils dessinent des figures prophétiques – « Prophet in the Storm », « Twisted Lyre » – mais aussi des univers poétiques subtilement ironiques comme le rire de « Red Laughing » ou la langue de « The Tongue ». Marteau, scie, hache, pince, l’outil est ici bien plus qu’un objet de travail. Réminiscence de la quincaillerie de son grand père qui lui offrit un premier avant-goût de la joie de créer, l’outil constitue pour Jim Dine un langage en soi, celui de l’infini des possibles.
Comme l’explique le critique, John Yau dans le catalogue de l’exposition, la pratique de Jim Dine, si elle est traditionnellement associée au pop art, se trouve en réalité à la jonction entre les happenings, dont il fut un des pionniers, et l’expressionisme abstrait.
Or ces deux mouvements « intègrent le processus de l’improvisation ». C’est, peut-être, ce qui explique le besoin de l’artiste de « compliquer sa peinture par l’adjonction sur la toile de divers outils, bois de récupération, bottes, canettes indifférencies et autres détritus ».
Ce sens de l’improvisation et la liberté qui en découle sont au cœur des dernières sculptures « At Dunkerque », totems anthropomorphiques réalisés à partir d’objets rassemblés dans l’atelier. Coulés en bronze et peints à la main de couleur vives, ils surprennent par leur vitalité et annoncent de nouveaux horizons dans l’œuvre de Jim Dine. Pour la première fois, Jim Dine a en effet intégré des masques de bronze et d’aluminium à sa peinture. Ces visages énigmatiques, qui hantent les surfaces joyeuses et féroces de ses tableaux, se retrouvent dans la série plus intimiste des « Me » proposée en conclusion de l’exposition. Ses quinze « autoportraits » de taille réduite, saturés de couches de peinture comme des palettes inlassablement usées et grattées, révèlent toute la vulnérabilité de l’artiste. Impassibles, dégagés de toute contrainte de la ressemblance, ces portraits obsessionnels et cathartiques interrogent le spectateur sur la finalité ultime de la peinture. Comme l’écrit Jim Dine : « Quand vous peignez tous les jours, tout au long de l’année, alors le sujet est essentiellement celui du travail ».
Né en 1935 à Cincinnati dans l’Ohio, Jim Dine vit et travaille entre Paris, Göttingen en Allemagne et Walla Walla aux États-Unis. Pionnier du happening et compagnon du Pop Art, il emprunte une voie singulière. Grand expérimentateur de techniques, il travaille le bois, la lithographie, la photographie, le métal, la pierre ou la peinture. L’outil et le processus de création sont aussi cruciaux que l’œuvre achevée. L’artiste explore les thèmes du soi, du corps, de la mémoire à travers une iconographie personnelle composée de cœurs, de veines, de crânes, de Pinocchio et d’outils.