Martin Barré

Calendrier

Aussi étrange que cela puisse paraître aujourd’hui, l’exposition de Martin Barré à la galerie Templon, en mai-juin 1969, constitue une des premières manifestations d’art conceptuel en France, et ce avant qu’une série de grandes expositions internationales – notamment aux Etats-Unis, en Allemagne et en Suisse – n’ait attiré l’attention du public sur ce nouveau chapitre de l’histoire de l’index. Mais si Barré juge maintenant de manière très critique son travail de cette époque – de 1969 à 1971 -, parlant rétrospectivement de son manque d’originalité, force est d’admettre qu’il n’avait rien de banal dans son contexte : il interrompit d’ailleurs tout net sa veine conceptuelle sitôt qu’il eut connaissance de l’ampleur de cette mode à l’étranger. […]
L’exposition de Barré, intitulée Les objets décro-chés, participe pleinement au courant conceptuel : les quelques panneaux photographiques disposés dans la galerie Templon ne sont pas accrochés sur les murs de manière conventionnelle mais à proximité immédiate de ce qu’ils recensent, à savoir services, mobilier de fonctionnement et particularités architecturales de la galerie, d’autant plus visibles que celle-ci est « vide» (porte d’entrée, coin de mur, pilier, vieille porte en bois, spot, rampe d’escalier, cahier de signatures). […]

 

Même mode constatif et même littéralisation lors de la deuxième exposition de Barré chez Templon, en 1970. Après la défamiliarisation indicielle de l’espace de la gale rie, voici celle du temps de l’exposition : surles murs de la galerie s’étalent de la manière la plus plate qui soit une série d’agrandissements photographiques de pages d’un de ces petits blocs calendriers sur lesquels on peut lire en gros caractères la date du jour. La série commence avec la page du 7 avril 1970 et s’achève avec celle du 25 du même mois, marquant ainsi la durée réelle de l’exposition; chaque page photographiée est à la fois identique et différente, comme le sont les jours de l’année. Espace réel, temps réel, tels sont les paramètres les moins subjectifs possibles auxquels un artiste puisse avoir affaire pour une exposition, ceux qui se prêtent le plus facilement à une opération de reconnaissance indicielle.

Yves-Alain Bois, Extrait du livre Martin Barré, 1993

L’artiste