Jan Fabre. L’Heure Sauvage
Jan Fabre, artiste plasticien, auteur et homme de théâtre, propose dans la capitale de son pays natal, une immersion dans « l’Heure Sauvage » et les vanités du présent.
Depuis plus de 40 ans, Jan Fabre est un des acteurs les plus innovants de la scène artistique contemporaine internationale. Artiste radical, dont les oeuvres ont souvent déchaîné les passions, Jan Fabre a eu dans les années 80 sa propre « période bleue » : le Bic, alors son matériau de prédilection, dont il couvre consciencieusement de larges pans de papier pour créer des dessins métaphoriques et tourmentés. En 1988, alors âgé de trente ans, Jan Fabre se retrouve à Berlin, passant ses nuits d’insomnies à dessiner, colorier, raturer, de manière obsessionnelle, toute une cosmogonie : tornades, cyclones, vagues géantes, orages. Le bleu métallisé si caractéristique du stylo jetable, dessine des paysages captivants dont la trame est si dense et intense qu’elle semble sur le point de déchirer le papier. Chaque dessin semble ainsi l’aboutissement d’une performance solitaire, extrême, à la limite de l’hallucinatoire et de l’épuisement. Le jeune artiste est alors sans le sou et vend l’ensemble à un généreux mécène. Les dessins resteront roulés, intouchés et oubliés, pendant trente ans. Récemment exhumés, ils sont exposés pour la première fois au public et offrent une plongée troublante dans la genèse de l’imaginaire de Jan Fabre.
Ces dernières années, Jan Fabre est revenu au Bic bleu. Les amoureux de cette technique de création au Bic peuvent en voir des exemples non loin de l’espace bruxellois de la galerie Templon, aux Musées royaux des beauxarts de Belgique avec ‘Le regard en dedans (L’Heure Bleue)’, une installation permanente créée pour l’escalier royal du musée d’Art ancien en 2011-2013.
Le titre de l’exposition « l’Heure Sauvage » renvoie à cette « l’heure Bleue » définie par l’entomologiste Jean-Henri Fabre. Elle évoque ce court moment de silence où la Nature attend fébrilement l’aube. Un moment décisif bien qu’éphémère, entre deux univers, celui de la nuit et du jour. Une quasi-obscurité que l’on retrouve dans les oeuvres métallisées, aux courbes discrètement suggérées de l’artiste. L’encre bleue devient une peau, qui tour à tour, couvre ou dévoile, reflète la lumière telle un miroir ou obscurcit la vision. Dans ses nouvelles sculptures, en verre de Murano, Jan Fabre recouvre de crânes humains d’empreintes de main couvertes d’encre. Comme un miroir, ces crânes nous renvoient de façon déconcertante à notre propre finitude. Comme d’étranges fétiches – vanités ou autoportraits ? – ils sont envahis de squelettes d’animaux facétieux : oiseaux, rongeurs, toute une faune que l’on imagine à la fois survivante à l’espèce humaine, mais déjà décimée.
En confrontant ces dessins de 1988 à ces sculptures de 2018, Jan Fabre opère – peut-être de façon involontaire – un carambolage troublant entre ses préoccupations d’artiste, obsédé par les limites de la nature humaine et la catharsis, et nos obsessions actuelles sur les périls environnementaux et les extinctions de masse. Comme une prémonition, les dessins de Berlin donnent à l’oeuvre de Jan Fabre sur le monde animal – scarabées, animaux empaillés – mais aussi sur la condition humaine, une dimension plus apocalyptique que jamais.
Jan Fabre est né en 1958 à Anvers en Belgique où il vit et travaille. Homme de théâtre et chorégraphe internationalement reconnu, Jan Fabre développe depuis vingt ans une œuvre plastique autour de matériaux divers : sang, encre bic, élytres de scarabées, os, animaux empaillés, marbre. Grand dessinateur, Jan Fabre réalise des sculptures et des installations qui explorent la question de la métamorphose, le dialogue entre art et sciences, le rapport de l’homme à la nature ou encore la question de l’artiste comme guerrier de la beauté.