Né en 1970 en RDA, Norbert Bisky explore depuis quelques décennies la notion d’utopie politique, ses ambiguïtés pratiques et l’importance de l’idéologie. C’est la chute du mur et la découverte de l’Ouest qui le pousse à une carrière d’artiste. De cette rupture, à la fois historique et intime, il a tiré une pratique picturale jubilatoire et engagée.

Cet ensemble d’huiles sur toiles, aux couleurs chatoyantes parfois jusqu’à l’insoutenable, empruntent autant au réalisme socialiste de son enfance, qu’aux codes de l’hédonisme contemporain. Ludology s’inspire du  travail de l’historien et théoricien culturel néerlandais Johan Huizinga qui oppose à l’Homo Faber, rationnel et orienté vers le progrès, la notion d’Homo Ludens, un être régi par les composantes du jeu. Avec Ludology, Bisky livre une interprétation de cette philosophie en dévoilant l’ambiguïté d’une société obsédée par la perfection, l’oisiveté parfois à l’extrême.

Chacune de ses peintures offre une double lecture : cette troupe de garçons en combinaison de protection se veut l’annonce d’une catastrophe à venir ou le clin d’œil à une performance fétichiste ? Ce clown serrant un bouquet de ballons dans les mains se rend-il à une fête d’anniversaire ou joue-t-il le rôle principal d’un film d’horreur ?  Cette épave d’avion est-elle la ruine d’une zone de guerre ou un élément divertissant d’une rave dans le désert ?

Au cœur de la galerie, quelques grandes pièces de puzzle en contreplaqué et peintes des deux côtés sont disposées en une  installation pour symboliser cette narration à double tranchant.  Jusque dans le style et les codes picturaux, Bisky articule subjectivité radicale de l’expressionisme au réalisme idéalisé de l’art de la propagande et esthétique léchée de la publicité. Il confronte également sans détour une architecture urbanisée à une nature tropicale luxuriante ou enfin la pornographie à l’activisme politique. « Dans mon travail je joue de plus en plus avec les signes et les symboles qui sont devenus des éléments essentiels de mon œuvre au cours de la dernière décennie. » explique-t-il, «Je les fais dialoguer et les arrange dans mes nouveaux collages afin qu’ils représentent une vision ambigüe du monde qui nous entoure, en permanente oscillation  entre utopie et désenchantement. »