Sous l’étoffe du monde
Ce printemps, TEMPLON Bruxelles se prépare à accueillir sa première exposition de la talentueuse peintre iranienne Nazanin Pouyandeh.
A cette occasion, un texte critique écrit par l’historienne de l’art Nadeije Laneyri-Dagen reste consultable sur notre site.
Cette exposition marque une première incursion dans son univers créatif, autour d’une quinzaine de toiles de formats variés, majoritairement élaborées entre 2024 et 2025, toutes autour de son thème phare : la peinture comme expression de plaisir et d’émancipation.
A l’instar de l’évolution de son travail au fil des ans, cette nouvelle série met en scène de nombreuses figures féminines, magnifiées, actrices de scènes aussi complexes qu’ambigües. Les environnements dans lesquels prennent vie les personnages sont soigneusement agencés : villes en ruines, ateliers de peintre, salons feutrés. Ils débordent de compositions aux couleurs vibrantes et aux motifs visuellement captivants, qu’ils soient floraux, géométriques ou d’inspiration tribale. Les symboles inattendus se juxtaposent, de l’icône religieuse aux masques africains, en passant par les lames aiguisées de poignards, des crânes humains ou des livres d’art, négligemment ouverts. Entre les étoffes et les tapis, se dévoile ainsi un monde riche de significations.
Intitulée « Sous l’étoffe du monde », l’exposition établit ainsi un parallèle fascinant entre libido et création, évoquant la peinture comme un acte d’épanouissement, d’affranchissement et donc de résistance. « La peinture est l’acte suprême, l’acte d’une liberté totale et jouissive » explique Nazanin Pouyandeh, « celui qui survivra à l’humanité, le moyen de combattre la puissance de l’être en le transcendant ».
Son œuvre teintée par son histoire personnelle – elle a dû fuir l’Iran à l’âge de 18 ans suite à l’assassinat politique de son père – s’inspire de l’expérience de l’exil comme de siècles d’histoire de la peinture mondiale. Les influences s’épanouissent à travers de formidables mises en abyme chères à l’École Flamande ou au surréalisme européen. On retrouve des références aux Shungas, les célèbres estampes japonaises érotiques, mais aussi aux toiles de Matisse ou Bonnard. Peu à peu, les scènes réalistes conçues par l’artiste s’éloignent de toute véracité palpable. Elles entraînent le spectateur dans un voyage onirique et sensoriel, comme dans une réflexion engagée sur les mécanismes de survie et de résistance dans notre époque incertaine.
Née à Téhéran en 1981, Nazanin Pouyandeh est reçue à l’École des beaux-arts en 2000, où elle intègre l’atelier du peintre Pat Andrea. Sa virtuosité technique pousse au paroxysme la dimension vériste de sa peinture, sans qu’il existe toutefois de rapport avec l’hyperréalisme. Nazanin Pouyandeh puise en réalité dans toutes les sources d’images disponibles, puisque les frontières entre les arts, les époques et les cultures sont aujourd’hui devenues perméables. De tels rapprochements comme des jeux de disproportion entre les figures résulte un sentiment d’étrangeté formelle, qui a beaucoup à voir avec le rêve. Nazanin Pouyandeh interroge les représentations collectives de la femme, mais aussi les thèmes de l’érotisme et de la violence.