Histoire

Bernar Venet

12 – 30 janvier, 1971

L’intervention de Bernar Venet dans le développement de l’art de ces cinq dernières années a permis l’affirmation d’une démarche objective et rationnelle, balayant la tradition idéaliste et montrant ainsi le chemin aux recherches les plus intransigeantes qui se font actuellement dans l’art conceptuel. Dès 1965, Venet réalise des agrandissements d’abord manuscrits, puis photographiques de pages de livres scientifiques toujours choisis parmi les plus récents et les plus complets. Pour ces choix, Venet se fait assister de spécialistes à qui il demande parfois aussi de donner des conférences. Son mode de présentation ne satisfait plus l’ambiguïté d’un style – interprétation par l’artiste des données de la réalité – mais la clarté, l’adaptabilité fonctionnelle de supports qui peuvent être les plus divers : blow-up, bandes magnétiques, disques, livres, revues, etc. Rien ne vient se greffer sur la signification originale de la proposition ; celle-ci n’admet qu’un seul niveau de lecture. Avec l’actuelle exposition, c’est au langage que Venet se consacre puisqu’il présente plusieurs chapitres d’un manuel de grammaire.
Catherine Millet, Les Lettres françaises, 17 février 1971

Victor Burgin

Performatif Narratif Piece

2 – 20 février, 1971

L’objet particulier de l’art n’est pas le monde physique sui generis mais bien la médiation sociale de celui-ci par le truchement d’un agencement de signes, à travers lequel son orientation prédominante n’est pas analytique et descriptive (comme la linguiste scientifique), mais synthétisante et normative. […] Nous pourrions demander une description grâce à laquelle l’activité de l’artiste pourrait se distinguer des autres activités. […] Une réponse comme, par exemple, l’artiste est celui qui crée des choses plaisantes à l’oeil serait inconsistante, puisque beaucoup de choses plaisantes à l’oeil sont produites dans des domaines autres que l’art. A cette question, ma réponse […] tient compte des codes auxquels nous recourrons pour communiquer entre nous.
Victor Burgin, Extrait de Work and Commentary, 1973

Louis Cane

23 février – 13 mars, 1971

On pourrait dire du travail que Louis Cane expose ici qu’il ne fait pas un « drap », mais avant tout une « toile ». De l’un à l’autre ce passage ne va pas de soi : c’est un trajet-tracé qui de la connaissance sensible/visible – les plis du drap – aboutit à la connaissance logique/scientifique, complexe et sans cesse répétée, de la toile – à travers les plis, découpes, coutures et couleurs ; drap/toile ; les deux bords, internes et externes, au travail dans la peinture. Cette connaissance ne saurait s’acquérir en dehors de l’activité de production : productivité comme remontée au germe du sens et du sujet – verticale toile/drap – et comme engendrement du tissu pictural – horizontale drap/toile. Procès de lecture/écriture, du drap à la toile, et inversement, à travers la texture – double opération ayant le fil du tissu comme méthode formelle de communication (géométrie, structure de surface) et le fil du couteau, du ciseau coupant dans la couleur, comme méthode différentielle de production (nombre, volume de couleurs). Engendrement de la toile qui est l’effet de sa propre cause (causalité métonymique), opération calculée dont la somme n’est pas sans reste : la couleur étant la réserve ouvrant à la répétition de ses différentes empreintes (métaphores), en une série transfinie où chaque toile peut être la même et – contradictoirement – autre ; relation structure/couleur, surface/volume qui n’est pas de cause à effet mais différence.
Marc Devade, Extrait du catalogue de l’exposition, 1971

Wolf Vostell

Environnement-Happening électronique

16 mars – 3 avril, 1971

Happening : méthodes et moyens
Même dans les contenus apparemment les plus insignifiants de ses happenings et jusque dans les moindres événements, Vostell révèle les atrocités du quotidien et force notre sensibilité et nos sens usés à admettre que l’idylle n’existe plus. Ses moyens sont des choses qui se font et se passent tous les jours – elles se passent ainsi ou de façon analogue dans notre vie quotidienne, ou font lourdement ressentir la menace qu’elles pourraient du moins se passer ainsi. Les participants des happenings agissent avec des choses qui font partie du quotidien d’une grande ville : objets les plus simples comme instruments les plus complexes.
Environnements
Dans I’« environnement électronique de dé-collage » que Vostell expose à la Biennale de Venise, on marche sur un plancher en vitres cassées, entièrement recouvert d’autres morceaux de verre, ce qui provoque des bruits extrêmement désagréables et des sons stridents crispants. Des choses encore vagues, méconnaissables, se mettent à bouger un peu partout dans cette demi-obscurité ; des voix et le bruissement des appareils remplissent la pièce – et toujours ce crissement de ses propres pas.
Jörn Merkert, extrait de « Environnements-Happenings 1958-1974 », Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, 1974

Art Language Press

Terry Atkinson, David Bainbridge, Michael Baldwin, Harold Hurrell

11 avril – 29 mai, 1971

Le système de Lecher est formé de deux fils parallèles qui conduisent une onde radio de haute fréquence. L’onde est réfléchie au bout le plus éloigné et il se produit des ondes statiques. Aux antinodes voltage et courant, c’est-à-dire là où les différences de voltage et de courant sont les plus grandes, la détection de ce phénomène peut se faire par les moyens appropriés. Ces antinodes voltage sont écartés d’une demi-longueur d’onde, les antinodes courant également, mais ils sont déplacés d’un quart de longueur d’onde le long des fils. Autrement dit, pour une longueur d’onde de 1 m, il y aurait un antinode tous les 25 cm, alternativement voltage-courant, voltage-courant, etc. A certains points qui sont les antinodes voltage, la différence de voltage entre les deux fils sera à son maximum. A d’autres points, les antinodes courant peuvent être détectés en branchant une ampoule de lampe électrique de 1,5 volt sur les deux fils. Le support de l’ampoule est branché à deux fils rigides et inséré dans une éprouvette qui sert de poignée. En tenant la main soigneusement éloignée des fils Lecher, l’ampoule est poussée le long des fils de connexion et les points où l’ampoule s’éclaire le plus vivement sont notés.
Texte d’exposition, 1971

John Gibson gALLERY

Vito Acconci, Christo, Dan Graham, Peter Hutchinson, Will Insley, Allan Kaprow, Dennis Oppenheim

2 – 19 juin, 1971

Transfert de dessin en deux temps. De Dennis à Erik Oppenheim, 1971
Retour à mon état passé Pendant que je trace un trait sur le dos d’Erik, il tente de reproduire son mouvement sur le mur. Mon activité stimule une réponse cinétique de la part de système sensoriel. Je suis donc en train de dessiner « à travers » lui. Le décalage sensoriel ou la désorientation constituent la différence entre les deux dessins et peuvent être interprétés comme des éléments activés pendant la procédure. Parce qu’Erik est mon fils et que nous partageons certains traits biologiques, son dos (en tant que surface) peut être interprété comme une version immature du mien. Dans un sens, j’entre en contact avec mon état passé.

Transfert de dessin en deux temps. D’Erik à Dennis Oppenheim, 1971
Avancée vers mon état futur Pendant qu’Erik trace un trait sur mon dos, je tente de reproduire son mouvement sur le mur. Son activité stimule une réponse cinétique de mon système sensoriel. Il est donc en train de dessiner « à travers » moi. Le décalage sensoriel ou la désorientation constituent la différence entre les deux dessins et peuvent être interprétés comme des éléments activés pendant la procédure. Parce qu’Erik est mon fils, et que nous partageons certains traits biologiques, mon dos (ma surface) peut être assimilé à une version mature de la sienne. Dans un sens, il entre en contact avec son état futur.
Dennis Oppenheim, extrait du catalogue Dennis Oppenheim, Stedelijk Museum, Amsterdam, 1974 

Ben

Ecritures 1958-1966

22 juin – 10 juillet, 1971

Un certain nombre de manifestations typique- ment parisiennes terminent la saison. Tout d’abord une exposition des « écritures » de Ben à la galerie Templon. Après avoir été longtemps considéré comme un artiste mineur, Ben s’est enfin imposé comme l’un des artistes clés de ces dix dernières années. Authentique héritier de l’esprit dada, il a conçu son oeuvre comme une réflexion sur l’art et comme une manière de vivre. Maniant l’humour et l’ironie à la perfection, il a écrit des dizaines d’aphorismes cinglants sur des panneaux (écritures) et a exécuté des centaines d’actions et de « gestes ». Sa mégalomanie sonne faux, et s’il pose au génie, c’est pour mieux détruire en lui l’image traditionnelle du maître.
Bernard Borgeaud, Pariscope, 7 juin 1971

Ben, 1971
Ben, 1959

Ouverture d’une succursale à Milan

Octobre 1971 – Juillet, 1976

Durant quelques années entre septembre 1971 et 1976, une succursale de la galerie Templon est active à Milan. Cette initiative fait suite à un double constat : d’une part, il n’y a qu’un faible nombre de données de français parmi les collectionneurs d’art contemporain susceptibles d’acquérir des œuvres chez Daniel Templon. D’autre part, l’habitude quasi séculaire des collectionneurs étrangers de se déplacer à Paris pour acheter de l’art est en train de se perdre. Templon, en conclut qu’il faut désormais aller à leur rencontre, c’est-à-dire s’installer soit en Suisse, soit en Allemagne, soit en Italie. Ce dernier pays offre alors plusieurs avantages, à commencer par le dynamisme avec lequel il s’ouvre à l’art contemporain. Via Monde di Pietà, à deux pas de la Scala, au premier étage, Daniel Templon occupe un appartement de près de cent mètres carrés dans lequel il organise une série des expositions avec l’aide de Daniella Dangoor […].
Julie Verlaine, Daniel Templon. Une histoire d’art contemporain,  2016

Viallat, Judd, Barré, Devade…

Vue d’exposition de Claude Viallat à Milan, via Tadino, 16 octobre – 24 novembre, 1973
Vue d’exposition de Donald Judd à Milan, via Monte di Pietà, 16 mars – 14 avril, 1973